Foire Aux Questions

Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ? Qu’est-ce qu’un paradis fiscal pour les sociétés ?

Les paradis fiscaux forment un écosystème mondial, où différentes juridictions offrent toute une variété de dispositifs à des formes mobiles de capital financier. Un paradis fiscal pour les sociétés est une juridiction qui attire des entreprises multinationales en leur offrant des dispositifs permettant d’échapper aux lois, règles et réglementations fiscales d’autres juridictions, en réduisant leur contribution à l’impôt dans ces juridictions.

(Pour voir comment nous définissons, identifions et mesurons les paradis fiscaux pour les sociétés, consultez la section « Que mesurons-nous ? ».)

Les paradis fiscaux pour les sociétés comptent parmi les acteurs les plus importants de ce système, mais d’autres existent. Ainsi, notre Indice d’opacité financière (FSI) classe les « juridictions opaques » qui attirent des flux financiers illicites en établissant des lois et d’autres dispositifs permettant de dissimuler ce capital et l’identité des propriétaires aux yeux du public ou des forces de l’ordre. Il existe également des « paradis réglementaires » qui proposent des dispositifs permettant d’aider les sociétés multinationales à échapper à la réglementation financière (et autre). Et ainsi de suite. 

L’Irlande, par exemple, est un très grand paradis fiscal pour les sociétés qui se classe parmi les premiers de l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés, mais le pays est une juridiction relativement transparente et se classe assez bas à l’Indice d’opacité financière (FSI). La Suisse et le Luxembourg, en revanche, sont des juridictions opaques majeures et de très grands paradis fiscaux pour les sociétés. Ils occupent donc un rang élevé dans les deux indices.

Ne vous laissez pas induire en erreur par le taux d’imposition global d’un pays : ce taux pourrait être contourné par des accords privilégiés entre l’administration fiscale et les multinationales, et son système fiscal pourrait bien contenir des vides juridiques et des échappatoires. Le Luxembourg, par exemple, prétend imposer le revenu des sociétés à hauteur de 26 %. Pourtant, LuxLeaks a révélé que certaines multinationales bénéficiaient d’un taux inférieur à 1 %.

Quel est le lien entre l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés et l’Indice d’opacité financière ?

Nous considérons que le « vrai » taux d’imposition des sociétés est le taux minimal d’imposition des sociétés disponible (LACIT), par opposition au taux « global » (ou statutaire) publié par les pays. Étant donné que les multinationales peuvent délocaliser leurs bénéfices et leurs activités là où elles bénéficient de taux favorables, nous estimons que ces taux correspondent au montant qu’elles sont en mesure de payer.

L’OCDE fournit un tableau pratique des taux globaux d’imposition des sociétés : le taux global du Luxembourg est par exemple de 24,94 %, celui de Malte de 35 %.

Le LACIT correspond exactement à ce que son nom suggère. Ainsi, si un pays affiche un taux global de 35 % mais que certains secteurs économiques attirent un taux de 15 %, alors que certaines catégories de revenus ne sont imposées qu’à hauteur de 10 %, le LACIT est alors (en supposant qu’aucun taux encore inférieur à celui-ci ne soit disponible) de 10 %. Les multinationales ne se pressent pas au Luxembourg pour son taux global de 24,94 %, mais pour son LACIT.

Pour voir comment nous calculons le LACIT, cliquez ici

Quel est le « vrai » taux d’imposition des sociétés ?

Nous considérons que le « vrai » taux d’imposition des sociétés est le taux minimal d’imposition des sociétés disponible (LACIT), par opposition au taux « global » (ou statutaire) publié par les pays. Étant donné que les multinationales peuvent délocaliser leurs bénéfices et leurs activités là où elles bénéficient de taux favorables, nous estimons que ces taux correspondent au montant qu’elles sont en mesure de payer.

L’OCDE fournit un tableau pratique des taux globaux d’imposition des sociétés : le taux global du Luxembourg est par exemple de 24,94 %, celui de Malte de 35 %.

Le LACIT correspond exactement à ce que son nom suggère. Ainsi, si un pays affiche un taux global de 35 % mais que certains secteurs économiques attirent un taux de 15 %, alors que certaines catégories de revenus ne sont imposées qu’à hauteur de 10 %, le LACIT est alors (en supposant qu’aucun taux encore inférieur à celui-ci ne soit disponible) de 10 %. Les multinationales ne se pressent pas au Luxembourg pour son taux global de 24,94 %, mais pour son LACIT.

Pour voir comment nous calculons le LACIT, cliquez ici.

Les paradis fiscaux ont-ils le droit de déterminer leur propre réglementation fiscale ?

Bien entendu, toutes les juridictions ont le droit souverain d’établir leurs propres systèmes fiscaux. Cependant, lorsque des paradis fiscaux portent atteinte aux systèmes fiscaux et aux efforts d’application de la loi de certaines juridictions, ces dernières ont également le droit de mettre en œuvre des contre-mesures afin de contrer ces pratiques préjudiciables et coopérer pour s’attaquer aux problèmes qu’elles suscitent aux quatre coins du globe.

Consultez la page Le problème pour en savoir plus sur les préjudices causés par les paradis fiscaux.

Quelles sont les juridictions incluses dans l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés ?

Le CTHI 2021 a inclus 6 pays supplémentaires d’Amérique latine, pour un total de 70 juridictions. Les 64 autres comprennent les paradis fiscaux pour les sociétés les plus connus, les grands centres financiers, tous les pays de l’UE et certains pays d’Afrique (conformément aux conditions d’octroi du financement de ce projet). Dans les prochaines publications relatives à l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés, nous espérons augmenter le nombre de juridictions couvertes par l’indice.

Certaines personnes pourraient être étonnées de voir des pays comme l’Allemagne ou les États-Unis figurer sur notre liste. En réalité, tout pays propose au moins certains dispositifs permettant aux multinationales d’échapper à l’impôt, si bien que chaque pays se situe quelque part le long du spectre entre une permissivité agressive en matière d’évasion fiscale et un niveau de prévention maximal à l’encontre de cette pratique. Pour chaque juridiction de notre indice, un profil de pays détaillé a été établi, comprenant l’ensemble de ses évaluations et notations accompagnées des sources et références sous-jacentes, ainsi qu’une multitude de détails supplémentaires. Les utilisateurs peuvent également accéder à notre base de données et même télécharger les données sous-jacentes de chaque pays au format Excel.

L’impôt sur les sociétés est-il bon ou mauvais ?

Cet impôt revêt une importance particulière. Il remplit de nombreuses fonctions sociales vitales, comme le financement des écoles, des hôpitaux et de l’État de droit. Il empêche également les riches de choisir de percevoir leurs revenus au travers d’entreprises peu ou pas imposées, de manière à éviter le paiement de l’impôt sur le revenu personnel.

Cet impôt est particulièrement important pour les pays les plus pauvres, déjà bien en peine de lever des impôts sur des citoyens appauvris. Dans le monde entier, plutôt que d’investir dans des activités productives, les multinationales accumulent d’importantes sommes d’argent, qu’elles rétrocèdent à des actionnaires pour la plupart fortunés, ou s’engagent dans des fusions créant des situations de monopole ou des rachats d’actions. L’impôt sur les sociétés transfère la richesse d’un secteur qui sous-investit (les entreprises), vers un secteur dont la finalité même est d’investir.

Beaucoup de ceux qui cherchent à mesurer ces problèmes se retrouvent face à un angle mort : si les coûts de l’impôt sur les sociétés sont relativement faciles à mesurer (en termes d’impacts sur les bénéfices, d’évolution des modèles d’investissement, etc.), les nombreux avantages de ces taxes, tels que ceux précédemment décrits, sont plus difficiles à quantifier. En conséquence, les coûts sont mis en relief, dissipant bon nombre des avantages induits. Pour plus d’informations sur cette question cruciale, voir Dix raisons de défendre l’impôt sur les sociétés et les articles associés.

Pourquoi incluons-nous un poids à l’échelle mondiale dans notre indice ?

Une pondération à l’échelle mondiale est nécessaire en raison de l’importante variation des volumes d’investissements directs étrangers (0,0000016 % à 12,9 %) représentés par les juridictions de l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés à l’échelle mondiale. Dans le même temps, la formule mathématique que nous utilisons réduit l’importance relative de la pondération dans les scores de l’indice final.

Notre classement est conçu pour identifier les juridictions en fonction de leur contribution globale aux problèmes de fraude fiscale des sociétés, et identifier celles qui encouragent la course vers le bas en matière fiscale, éliminant progressivement le fardeau fiscal des multinationales et transférant la charge auprès des citoyens. Nous cherchons à identifier les territoires où des réformes légales et des changements de pratiques auraient le plus d’impact.

Les 10 principales juridictions de notre indice, avec un score de paradis fiscal moyen de 89 sur 100, représentent près de 40 % du total des investissements directs étrangers (soit notre indicateur indirect de mesure de l’activité d’une multinationale dans une juridiction). Si le classement des pays s’opérait uniquement sur la base de leur score de paradis fiscal, les 10 premiers obtiendraient un score de paradis fiscal moyen de 99 sur 100, mais ne représenteraient que 7 % du total des investissements directs étrangers déclarés. (Pour accéder au classement basé uniquement sur les scores de paradis fiscal à l’Annexe F de la méthodologie complète, cliquez sur ce lien).

Certains pourraient soutenir qu’en incluant des pondérations, notre indice « sanctionne » les juridictions dotées d’un vaste secteur financier. Mais la formule mathématique que nous utilisons — voir ici pour plus de détails — est conçue pour réduire l’importance relative du poids à l’échelle mondiale dans les scores de l’indice final. Ainsi, une juridiction qui améliore son score de paradis fiscal améliorera probablement son classement, et ce indépendamment de l’importance du volume d’investissements directs étrangers reçus.

Nous réduisons le poids à l’échelle mondiale pour deux raisons. Premièrement, nous voulons inciter les juridictions à opérer un nettoyage : la manière la plus simple et la moins pénible de procéder ici est de réduire son score de paradis fiscal. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur celle-ci. L’autre raison est que, même si les scores de paradis fiscal se situent sur une fourchette relativement étroite — entre 39,05 et 100 (sur 100) — les pondérations sur l’échelle varient énormément, entre 0,0000016 et 12,9 %. Il faut donc compresser mathématiquement le poids à l’échelle mondiale pour qu’il ne l’emporte pas sur le score de paradis fiscal.

Pour plus de détails sur la formule et le poids à l’échelle mondiale, consultez la méthodologie complète.

Pourquoi se concentrer uniquement sur les multinationales ?

Notre Indice d’opacité financière couvre déjà les partenariats, les trusts, ainsi que les personnes physiques opérant sous le voile du secret. En outre, les multinationales sont à l’origine d’une part importante du commerce mondial et l’évasion fiscale des multinationales est colossale, avoisinant les 600 milliards de dollars chaque année. Enfin, les multinationales exercent une influence démesurée sur la politique nationale et internationale.

Qu’est-ce que la base d’imposition ?

En général, les entreprises réduisent leur taux d’imposition effectif de deux manières : en réduisant le taux d’imposition applicable à certaines catégories de revenus et en réduisant la base d’imposition (ou assiette fiscale), qui correspond au montant des revenus soumis à l’impôt (après déductions, exonérations, etc.).

L’exemple suivant illustre cela.

Imaginez une entreprise multinationale qui vend des services informatiques. Elle possède une filiale dans le pays A, qui réalise des bénéfices économiques à hauteur de 100 millions de dollars (c’est-à-dire les ventes moins les frais ordinaires). Le taux d’imposition global sur les sociétés dans le pays A est de 15 %, ce qui signifie qu’en théorie, elle devrait acquitter 15 millions de dollars d’impôt. Cependant, les bénéfices économiques ne correspondent pas nécessairement aux bénéfices imposables. La filiale A verse 80 millions de dollars de royalties à une autre filiale de la même multinationale dans le pays B, pour l’utilisation de technologies brevetées – et le pays A l’autorise à déduire ces 80 millions de dollars de ses bénéfices économiques de 100 millions de dollars, ramenant ainsi l’assiette fiscale du pays A à à peine 20 millions de dollars. Cela ramène le potentiel de recettes fiscales à un cinquième de son potentiel initial, c’est-à-dire à 3 millions de dollars. 



                             

Imaginez, en outre, que le pays A applique également un taux d’imposition spécial sur les bénéfices de 5 % aux entreprises technologiques de ce type. Ainsi, l’entreprise n’aura finalement qu’un million de dollars d’impôt sur les sociétés à acquitter (au lieu de 15 millions), profitant à la fois d’un taux d’imposition réduit et d’une assiette fiscale réduite.

 

Tous les avantages fiscaux sont-ils néfastes ?

Comme l’on peut user et abuser des avantages fiscaux, tout comme des impôts eux-mêmes, ceux-ci doivent être abordés avec une extrême prudence. En général, les incitations fiscales sont proposées pour de mauvaises raisons et il est très rare qu’elles fassent l’objet d’examens ou d’audits afin de déterminer si elles ont atteint leur objectif. Même lorsqu’il est possible de démontrer qu’un avantage fiscal a effectivement attiré un investissement, il n’existe presque jamais d’analyse coûts-avantages comparant les bénéfices des investissements locaux avec les pertes dans d’autres domaines, tels que les pertes de recettes fiscales dues au fait que d’autres acteurs ont tiré parti d’avantages fiscaux ou la perte de confiance dans les pouvoirs publics, les multinationales étrangères étant perçues comme des « profiteurs » du système aux dépens des contribuables locaux.

Nombre de pays à revenu élevé ont mis en œuvre des incitations fiscales au cours de leur processus de développement. Celles-ci pourraient dès lors être considérées comme un outil utile pour les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les incitations fiscales utilisées à bon escient permettent également de soutenir des objectifs sociaux ou environnementaux, tels que la protection de l’environnement ou la promotion de l’égalité homme-femme ou de l’égalité raciale. Cependant, bon nombre des avantages fiscaux modernes, sinon la majorité, sont préjudiciables, tant pour la juridiction qui les fournit que pour les autres pays qui subissent les « retombées » de ces incitations. 

On a persuadé de nombreux pays, en particulier les pays en développement, que les incitations fiscales attireraient les investissements dans leurs économies. Cependant, comme le FMI et d’autres acteurs l’ont montré, ces incitations n’attirent que rarement l’investissement et ne font qu’abaisser le montant de l’impôt dû par les multinationales, qui auraient de toute façon investi et exercé leur activité dans cette juridiction. Les multinationales sont en recherche de bonnes infrastructures, de stabilité politique, de main-d’œuvre en bonne santé et bien formée et d’un accès aux marchés, là où elles investissent.

Le FMI et d’autres acteurs font la distinction entre les avantages fiscaux « basés sur les coûts », où les exonérations sont accordées sur la base de la création d’emplois, ou d’un investissement en capital réel ; et les avantages fiscaux « basés sur les bénéfices », qui sont accordés simplement parce que la société exerce des activités spécifiques à but lucratif. De manière générale, toutes les recherches montrent que les incitations basées sur les coûts peuvent dans certains cas être efficaces pour atteindre des objectifs nationaux, tandis que les incitations basées sur les bénéfices sont inefficaces et généralement néfastes, car elles font don inutilement des recettes fiscales. Les incitations basées sur les coûts sont plus susceptibles d’attirer de nouvelles usines ou des activités créatrices d’emplois, tandis que celles basées sur le profit sont plus susceptibles d’attirer des activités de transfert de bénéfices.

Les paradis fiscaux défendent-ils la liberté et l’économie de marché ?

Les marchés fonctionnent mieux lorsque les conditions sont égales pour tous et que les mêmes règles s’appliquent à tout un chacun. Les paradis fiscaux manipulent le marché en faveur d’un petit nombre d’acteurs et au détriment des autres, éliminant tout semblant de liberté en empêchant la participation de tout un chacun.

Quelles entreprises utilisent les paradis fiscaux pour éviter l’impôt ?

Nous pouvons dire que la quasi-totalité des multinationales de la planète ont recours aux paradis fiscaux pour frauder. En outre, les quatre grands cabinets comptables – PwC, EY, KPMG et Deloitte – jouent un rôle essentiel en favorisant ces pratiques de fraude fiscale à travers leur travail de consultation auprès des multinationales et des pays.

L’affaire « Luxleaks » a permis de mieux appréhender ces pratiques, lorsque deux lanceurs d’alerte ont livré une mine d’informations sur les montages complexes qu’un des grands cabinets comptables (PwC) avait concoctés pour nombre des plus grandes multinationales du monde : Amazon, Walt Disney, Koch Industries, FedEx, Pepsi, IKEA, AIG, Blackstone, Barclays Bank, Cargill, Dexia, Deutsche Bank, Heinz, HSBC, Julius Baer, Kaupthing, JP Morgan, Procter & Gamble, Permira, Skype et des centaines d’autres. L’image illustre l’une des structures d’entreprise les moins complexes : un véhicule d’investissement du gestionnaire de placements américain Blackstone impliquant le groupe Tragus, qui exploite des chaînes de restauration telles que Bella Italia, Café Rouge et la Brasserie. La complexité du schéma reflète les tours et détours nécessaires pour contourner les lois fiscales et les dispositifs anti-évitement fiscal des différents pays concernés — en l’occurrence les États-Unis, la Grande-Bretagne, les îles Caïmans et le Luxembourg, entre autres.

Source: Blackstone Group - Décision fiscale de 2009 disponible ici.